
Une passion pour la découverte
« La découverte me donne la joie de vivre, » dit le Dr Shokrollah Elahi, immunologue à la faculté de médecine et de dentisterie, à l’Université de l’Alberta. « Je suis curieux de nature. C’est dans mon sang, mes gènes. J’ai toujours passé mon temps à explorer ceci et cela, et à découvrir. C’est sûr que c’est à la source de mon choix de carrière. »
À 11 ans, Elahi, jeune iranien d’âge scolaire, a pulvérisé un reste de médicament non utilisé, en a fait une suspension et l’a injecté à un lézard sauvage pour examiner la réaction. Sa curiosité naturelle l’a conduit à faire sa maîtrise en médecine, à l’Université de Téhéran, en Iran, et un doctorat en immunologie, en Australie.
« J’ai compris que j’avais une passion pour la découverte, et j’ai eu envie de faire quelque chose qui allait avoir un impact mondial. »
Durant sa carrière, Elahi a fait de grandes découvertes qui ont contribué à en savoir davantage sur l’infection et la transmission du VIH, et à mieux comprendre le fonctionnement du système immunitaire chez le nouveau-né, et bien davantage.
Ses recherches sont actuellement consacrées à ses trois champs d’intérêts : la pathogenèse du VIH, en particulier les mécanismes biologiques de l’immunité naturelle; le comment et le pourquoi du développement des infections chez les nouveau-nés; et qu’est-ce qui explique l’épuisement des cellules immunitaires dans le cas des infections virales chroniques et le cancer.
La route de la découverte
Après l’obtention de son doctorat, Elahi a décidé de poursuivre une formation postdoctorale à la Vaccine and Infectious Diseases Organization (VIDO), à Saskatoon, en Saskatchewan. Il a alors développé un nouveau modèle porcin de la coqueluche, qu’il a par la suite utilisé pour démontrer l’efficacité de la vaccination prénatale chez la mère pour protéger les nouveau-nés contre cette maladie. Durant ce temps, il se questionnait aussi sur la sensibilité des nouveau-nés aux infections.
Par la suite, il s’est engagé dans une deuxième formation postdoctorale, à l’Université de Washington, à Seattle. C’est là qu’il a été sensibilisé au phénomène naturel de la résistance au VIH. Les asymptomatiques à long terme (long-term non-progressors / LTNP) représentent moins de 1 % des individus infectés au VIH. Ces gens restent en santé et n’ont pas de symptôme; ils ont un compte de cellules CD4 normal, un taux viral peu élevé et n’ont pas besoin de traitement antirétroviral.
« Mon projet consistait à tenter de comprendre les mécanismes au niveau cellulaire et moléculaire afin de découvrir pourquoi ces individus résistent naturellement à l’infection du VIH. »
En 2011, il publiait ses découvertes dans Nature Medicine. Il a découvert que dans le système immunitaire de ce sous-ensemble de gens infectés au VIH, les cellules CD8 T (cellules tueuses naturelles) résistent à l’épuisement. Plus spécifiquement, elles possèdent certains allèles HLA, - les HLA B27 et B57 -, qui suppriment le TIM-3, un récepteur inhibiteur, (point de contrôle immunitaire). Un taux élevé de TIM-3 stoppe la réponse immunitaire. En supprimant le TIM-3, le système immunitaire des gens résistants au VIH peut poursuivre le combat contre l’infection au VIH.
Nouvelles questions
Elahi est ensuite allé au Cincinnati Children’s Hospital Medical Center, en Ohio, pour chercher réponse à une question qui le tracassait depuis son passage au VIDO. Pourquoi les nouveau-nés sont-ils plus sensibles aux infections que les adultes?
À cette époque, l’idée dominante était que le système immunitaire des nouveau-nés était sous-développé. « On constate que les nouveaux-nés ne peuvent pas parler ni prendre de décision ni opérer leur iPhone7, » dit-il en rigolant. Alors, on en conclut que leur système immunitaire ne fonctionne pas. »
Les travaux préliminaires de Elahi au VIDO contredisaient cette conception. En Ohio, sa recherche a conduit à une découverte majeure, publiée dans Nature.
« Nous avons mis à défi cette notion de l’immaturité du système immunitaire des nouveau-nés, explique-t-il. En fait, nous avons fait ressortir la notion de mise en place d’une suppression de l’action immunitaire. »
Dans leurs études sur des souris et du sang ombilical humain, lui et son équipe de chercheurs ont découvert que le système immunitaire des nouveau-nés est complètement fonctionnel, mais que l’environnement néonatal est activement immunosuppressif.
L’abondance physiologique de certains globules rouges (cellules CD71) chez les nouveau-nés supprime activement leur système immunitaire. Ces cellules sont absentes chez l’humain adulte, explique-t-il.
« Nous avons découvert que la suppression immunitaire est essentielle aux premiers stades de la vie pour permettre une adaptation rapide aux bactéries amies dans le système digestif et la peau, » poursuit-il.
Quand le fœtus commence sa descente dans le canal vers sa naissance, il est exposé à des millions de germes, dont certains feront partie du microbiome de l’organisme. Si le système immunitaire se mettait à combattre cette colonie bactérienne, indique-t-il, il se produirait une inflammation des intestins et ce serait nocif pour sa santé plus tard dans sa vie.
Divers champs d’intérêt en recherche
Depuis son arrivée à l’Université de l’Alberta, Elahi a continué d’étudier le développement immunitaire des nouveau-nés. Il s’est récemment rendu en Uganda où son équipe examinera le rôle des globules rouges immatures dans la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Avec un collaborateur, il a mis en place une étude longitudinale pour investiguer leur rôle dans les maladies inflammatoires chroniques.
En 2017, travaillant avec des collègues, il a découvert que la vaccination prénatale de la mère faisait passer aux nouveau-nés des anticorps et des cytokines, tous deux essentiels au système immunitaire. La transmission passive de cytokines pourrait avoir un impact sur la différentiation cellulaire des globules rouges du nouveau-né. L’équipe a publié deux articles additionnels, dans le Journal of Immunology et le Scientific Reports sur la façon dont les globules rouges immatures influencent l’immunité innée et adaptative des nouveaux-nés.
Elahi a été actif dans le recrutement de gens résistants au VIH, en Alberta, et a collectionné des milliards de cellules en vue de tests génétiques et moléculaires. Son objectif est de comprendre pourquoi leurs cellules immunitaires n’expriment pas le point de contrôle immunitaire TIM-3, et expriment plutôt le granzyme B, qui tuent les cellules virales et tumorales. Ce travail pourrait mener à la mise au point de nouveaux vaccins et autres traitements thérapeutiques.
Il pourrait aussi conduire à d’autres champs de recherche tel l’épuisement des cellules immunitaires. Dans les cas d’infection virale chronique et de cancer, les cellules tueuses T arrêtent de fonctionner. Elles deviennent « épuisées ». Lorsqu’elles sont dysfonctionnelles, elles expriment le point de contrôle immunitaire TIM-3. Elahi et son équipe planifient d’étudier les mécanismes de l’épuisement des cellules immunitaires dans le cancer de la peau (mélanome) de même que dans le lymphome et la leucémie.
« J’aimerais comprendre l’épuisement des cellules T pour, éventuellement, le rendre réversible, affirme-t-il. L’idée de base est d’essayer de mieux comprendre ce qui sous-tend ce mécanisme de manière à revivifier le système immunitaire pour combattre et éliminer les tumeurs et l’infection des cellules virales. »
Actuellement, les immunothérapies ne peuvent cibler que deux des nombreux points de contrôle immunitaire : les CTLA-4 et PD-1. Elahi souhaite en identifier d’autres pour les cibler au moyen de l’immunothérapie.
Dévoiler le mystère
« Il faut faire tout ce qu’on peut pour créer une différence, et mieux comprendre comment l’on peut aider quelqu’un, qu’il soit affligé d’une maladie infectieuse ou d’un cancer, » déclare Elahi.
« Nous faisons face à un grand mystère, et nous voulons le résoudre. Comme un puzzle, une pièce à la fois, mais il ne faut pas s’arrêter. Un jour, quelqu’un va rassembler tous ces morceaux que d’autres scientifiques ont dévoilés, et l’on aura la solution complète. »
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