
Travailler avec « l’aimant »
« L’aimant », comme le dit chaleureusement le Dr Ravi Menon quand il parle de l’imageur par résonance magnétique (IRM) peut être comparé à une voiture. Les modèles varient passant de1.5 Tesla (1.5T) de type compact à la puissante Ferrari 7T. Au Canada, les IRM utilisés dans la pratique médicale correspondent surtout au modèle 1.5T, ce qui équivaudrait à une voiture familiale de taille moyenne.
Menon conduit une Ferrari. Son laboratoire, à l’Institut de recherche Robarts (IRR), à l’Université Western, en Ontario, est le seul au Canada à posséder un ensemble d’imageurs IRM de modèles humains à très hautes résolutions (7T).
Quelle est la différence? Les vieux modèles à 1.5T ont la résolution des téléviseurs des années 1950 comparée aux modèles actuels de télé haute définition. Ainsi, quand Menon et son équipe de chercheurs spécialisés en neurosciences étudient de près un cerveau, les détails leur apparaissent mieux que jamais auparavant.
« Certains des changements qui surviennent dans les maladies neurologiques sont visibles à une résolution de 0,5 mm, ce que les installations 7T rendent possible. Actuellement, l’IRM utilisée dans la pratique courante a une résolution d’environ 1,5mm. La différence ne semble pas mirobolante, mais elle est, en fait, énorme », explique-t-il.
Le manteau cortical qui recouvre le cerveau a une épaisseur d’environ 2-mm, dit Menon, professeur au Schulich School of Medicine & Dentistry, et titulaire d’une chaire de recherche du Canada de même que directeur du Centre de cartographie fonctionnelle et métabolique à l’IRR. Avec les systèmes d’IRM à 1.5T, le manteau a l’air d’une grosse masse informe.
« Avec l’installation 7T, on peut discerner les couches. Vous pouvez identifier des choses qui clochent dans ces couches. On peut dire que c’est un outil diagnostic qui met le doigt sur le bobo! »
Lui et son équipe de chercheurs utilisent des systèmes d’IRM structurelle et fonctionnelle pour étudier le fonctionnement normal du cerveau et les dysfonctionnements chez les patients ayant des maladies neurologiques comme la sclérose en plaques (SP), la paralysie cérébrale, l’épilepsie et la maladie d’Alzheimer.
Par exemple, des gens qui présentent des symptômes précoces de SP recevront leur congé de l’hôpital après un premier épisode clinique sans recevoir de diagnostic. Parce qu’un deuxième épisode pourrait ne survenir que des mois ou des années plus tard, ils demeurent dans les limbes diagnostiques. Menon et ses collègues ont démontré que pendant cette période exempte de soins médicaux, la SP produit des changements anormaux qui empirent les dommages au cerveau.
« Une fois qu’ils sont diagnostiqués avec la SP, on ne peut plus freiner la progression de la maladie efficacement à cause de l’état dans lequel les gens sont devenus, », dit-il. C’est pourquoi lui et son équipe travaillent sur des moyens d’utiliser l’IRM afin de détecter sans contredit la SP à ses tout premiers stades.
« Certains individus qui ont la SP peuvent fonctionner assez bien, mais d’autres sont moins chanceux à cet égard. Le traitement va de paire avec le pronostic, ajoute-il. Nous voudrions identifier le plus vite possible à quelle catégorie appartiennent les divers patients. »
C‘est pourquoi Menon travaille avec son équipe à la recherche de biomarqueurs qui vont fournir aux médecins des repères quant aux pronostics des patients atteints de la SP.
Un pionnier de l’IRMf
Menon a toujours été à l’avant-scène des principales avancées réalisées dans le domaine de la recherche sur l’imagerie du cerveau et il joue un rôle clé dans le perfectionnement de cette technologie.
Il a travaillé dans l’une des deux premières équipes mondiales à utiliser l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) dans les modèles humains. Son laboratoire continue de mettre au point et de l’avant l’utilisation d’imageurs IRM à très hautes résolutions comme outil de diagnostic et de recherche – renforçant toujours davantage le domaine du diagnostic par la voie de l’imagerie.
Il est l’un des seuls six Canadiens à avoir été élus membres de l’International Society for Magnetic Resonance in Medicine (ISMRM).
Au début des années 1990, il travaillait au laboratoire Kamil Ugurbil, à l’Université du Minnesota. C’était un petit laboratoire qui employait quelque cinq ou six personnes, et comme Menon était l’unique étudiant postdoctoral, on lui a assigné le projet.
La découverte de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle est une chance inouïe dans une carrière, admet-il. « Je n’ai pas les mots pour exprimer à quel point c’est excitant, et quelle confluence nous permet d’en arriver là. »
Lancés dans la course pour obtenir des résultas probants en IRMf, lui et une poignée de collègues ont travaillé pendant une couple d’années quelque 18 à 20 heures par jour. « L’expérience était tellement révolutionnaire que rien ne m’aurait empêcher d’y prendre part! »
Nombreux ont été les revers dus à l’instabilité technologique. Notre équipe de recherche a connu plusieurs épisodes merdiques, « pourtant, je me souviens avec clarté du soir où notre expérience a réussi hors de tout doute. »
Cette expérience a établi qu’il était possible de localiser la fonction cérébrale en l’exposant à des stimuli précis. L’équipe a utilisé « l’aimant » avec de la lumière LED pour activer le cortex visuel du cerveau, et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour scanner le cerveau.
« C’était la première démonstration, faite hors de tout doute, que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle donnait des résultats. Encore aujourd’hui, je me pince parce qu’il est difficile de croire, même après 26 ans, dit-il, qu’il est possible d’utiliser une technologie non invasive à une échelle inférieure à un millimètre pour observer l’activité du cerveau. Aujourd’hui, l’IRMf fait complètement partie de la pratique médicale courante. C’est tellement cool! »
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