
Les cellules de notre corps sont constamment assujetties à des forces mécaniques qui ont une influence sur notre santé et notre bien-être – ces forces sont d’origines diverses, les mouvements de nos muscles, par exemple, de nos organes et de notre sang.
Ces déclencheurs physiques influencent la fonctionnalité normale de notre organisme comme la différentiation des cellules souches, la régénération musculaire, la croissance cellulaire et même la mort des cellules. Lorsque nos cellules perdent leur capacité de percevoir ces déclencheurs et d’y répondre, de même que leur capacité de réguler leurs propres propriétés physiques, notre santé est dramatiquement mise en péril et la maladie souvent l’inévitable conclusion.
Par ailleurs, notre connaissance des mécanismes fondamentaux ordonnant la perception et l’assimilation de l’information physique de nos cellules s’est trouvée jusqu’à tout récemment limitée et complexifiée par la dimension nanométrique à laquelle ces événements se produisent. La nanobiotechnologie nous permet de rejoindre les événements à l’échelle biologique véritable et fournit un nouvel outillage pour explorer les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les processus biologiques. Ainsi les restrictions de la nanomédecine sont vivement dépassées, et avec cette dernière surgit la promesse de nouveaux systèmes de délivrance des médicaments, de diagnostics et de modes thérapeutiques pour soigner et prévenir les maladies.
Le Dr Andrew Pelling, titulaire d’une chaire de recherche du Canada en mécanique cellulaire expérimentale, est à l’avant-scène de ce meilleur des mondes que régissent de minuscules particules, dispositifs et structures. Réputé pour sa mise au point de techniques biophysiques de pointe, dont de minuscules senseurs qui agissent comme des petits doigts capables de toucher les cellules, le Dr Pelling se consacre à un gantelet expérimental de stimuli physiques visant à manipuler, rediriger et contrôler l’univers biologique cellulaire.
« J’aime dire que je bouscule les méthodes scientifiques traditionnelles afin de créer du matériel disponible à moindre coût avec un code source accessible pour favoriser la prochaine génération d’innovations médicales, explique le Dr Pelling, professeur en affectation multiple au Département de biologie et au Département de physique, à l’Université d’Ottawa. Les cellules de notre organisme ont une remarquable capacité d’adaptation et de réponse à l’univers physique. En poussant cette capacité naturelle vers des limites artificielles, j’espère mettre au point des façons simples et peu coûteuses de réparer et de régénérer les tissus du corps humain victime de blessures et de maladies.
Le Dr Pelling dirige le Pelling Lab for Biophysical Manipulation, un lieu d’exploration avancée, à l’Université d’Ottawa, où des chercheurs scientifiques, des ingénieurs et des artistes travaillent de concert dans une atmosphère de créativité multidisciplinaire. Réputé pour son expertise en manipulation physique et réorientation des systèmes vivants, le Dr Pelling et son laboratoire ont découvert que les cellules ont l’édifiante capacité de s’adapter et de répondre à des stimuli absolument inhabituels et artificiels.
« Nous sommes curieux de savoir si nous pouvons utiliser des signaux physiques artificiels et hacker (pirater) biologiquement les cellules, explique le Dr Pelling. Nous exposons les cellules à des forces mécaniques, nous transformons leurs environnements ou nous faisons simplement croître des cellules dans des environnements où elles ne se trouvent pas normalement. Aucune de ces approches ne requièrent de manipulation génétique ou pharmaceutique – nous changeons seulement l’environnement physique pour rediriger les comportements des cellules. »
Bien que les chercheurs soient plus performants dans l’édition du génome humain inconnu A1, le Dr Pelling considère que la manipulation génétique est peu fiable à long terme, qu’elle représente une incertitude éthique et que la préparation de n’importe quelle chaîne exige plusieurs étapes préliminaires compliquées. Il a démontré qu’il était possible de rediriger différentes fonctions cellulaires complexes sans avoir recours à la manipulation génétique.
Dans le cadre d’une étude, publiée dans PLOS ONE, le Dr Pelling a tenté avec succès de pirater (hacker) biologiquement des échantillons de pommes en vue de créer une matrice artificielle pour des tissus humains vivants sans avoir recours à l’ingénierie génétique, privilégiant des techniques de culture des cellules conventionnelles telles qu’elles sont pratiquées partout dans le monde. Traditionnellement, les biomatériaux sont produits à partir de processus chimiques longs et dommageables pour l’environnement ou dérivés de produits animaux ou de cadavres humains. Toutes ces options sont coûteuses, financièrement et écologiquement, ou douteuses d’un point de vue éthique. La recherche du Dr Pelling présente une nouvelle approche : le matériel cultivé sur une plante est biodégradable, peu coûteux et comporte les mêmes propriétés que les chercheurs s’attendent à obtenir avec les biomatériaux traditionnels.
« Les biomatériaux manquent désespérément dans les régions du monde faibles en infrastructures ou qui sont affligés par la guerre, déclare le Dr Pelling. Nos biomatériaux peu coûteux ayant un code source accessible peuvent être créés à partir de plantes, de savon ou d’eau, et vont donner aux professionnels de la santé et aux hôpitaux une alternative prodigieuse comparée aux produits pharmaceutiques dispendieux. Notre objectif est d’augmenter notre capacité de réparer et de régénérer les tissus du corps humain tout en réduisant, drastiquement, les coûts que ce type de soins de santé exige normalement.
Le Dr Pelling fait tout en son pouvoir pour utiliser un code source et un matériel informatique accessibles (Processing, Python, Arduino, Raspberry Pi, etc.), et partager ses connaissances autant que faire se peut. Le travail réalisé dans son laboratoire a été présenté à Maker Faires, Artsci Installations, Pecha Kucha, et diverses autres avenues publiques peu fréquentées par les académiciens scientifiques. L’œuvre avant-gardiste du Dr Pelling lui a valu le prestigieux TED Fellowship réputé pour ses brèves et stimulantes conférences diffusées en ligne dans la perspective sans but lucratif de promouvoir les grandes idées.
« Nos approches multidisciplinaires intéressent souvent des gens qui ne sont pas du milieu des sciences académiques et ceci a donné lieu à une interaction enrichissante avec Maker, DIYBio, Bioart et avec la communauté de biopirateurs (biohackers), déclare le Dr Pelling. L’histoire de la science en est une de conséquences non intentionnelles – on ne sait jamais de quelle discipline ou pratique surgira la prochaine idée ou découverte révolutionnaire. »
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